mardi 27 décembre 2011

LA CONDAMNATION A DEUX ANS AVEC SURSIS DE JACQUES CHIRAC, UN AVERTISSEMENT SOLENNEL


Jacques Chirac, le 5 novembre 2010. AFP/PATRICK KOVARIK

            Plus de 20 ans après les faits qui remontent d’ailleurs à l’époque où il était maire de Paris, Jacques Chirac  a été condamné à deux ans de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Paris, le 15 décembre 2011, à la suite un procès fort médiatisé, tenu du 5 au 23 septembre.  On reproche à l’ancien Chef de l’Etat français le  "détournement de fonds publics", l’"abus de confiance" et la "prise illégale d'intérêt", pour une vingtaine d'emplois, sur les vingt-huit  objet d’examen par la cour. Ce dernier a choisi de ne pas faire appel bien qu’il condamne catégoriquement le jugement en s’en remettant simplement aux  parisiens et parisiennes qui l’ont porté trois fois à la tête de leur ville, aux français et françaises qui lui ont confié les rennes de l’Etat pour deux mandats successifs.

            Au-delà de l’aspect émotionnel que suscite le fait de voir un ancien Chef de l’Etat devant la justice, en d’autres termes, réduit à la plus simple expression commune d’humain et de citoyen – on revoit encore Saddam Hussein devant ses juges, Hosni Moubarak porté au tribunal dans un brancard, Laurent Gbagbo répondant aux questions des juges de la CPI -  ces événements poussent à la réflexion sur la nature du pouvoir dans le contexte démocratique et de façon générale, dans le contexte de notre époque. L’obligation de rendre compte devient une exigence étendue à tous les nouveaux. Le pouvoir monarchique couvrait d’immunité le monarque qui l’exerçait à vie et mourait avec les secrets  et les abus de son règne. Le pouvoir dictatorial  est  actuellement en passe de disparaître – à quelques exceptions près -  acculé par  la revendication des peuples à vivre libres, à choisir leurs dirigeants et à pouvoir se prononcer sur la manière dont ils sont dirigés. Ce qui transforme radicalement le pouvoir public en un exercice ponctuel sous haute surveillance, avec un taux d’impunité garanti très bas. Il n’y a donc normalement plus de place pour les médiocres invités à changer de métier tant il est vrai, qu’avec les moyens de communication actuels, il est possible de remonter le fil du temps pour réexaminer tel ou tel aspect de la vie des gouvernants.
           
            Ces mutations du pouvoir doivent être saisies par la jeunesse africaine. Si le pouvoir en Afrique a été pendant longtemps le fait des rois puissants disposant de la vie et de la mort de leurs sujets en toute impunité – même si certains, parmi eux, ont fini  tragiquement -, puis celui des présidents battant le record de la longévité au nom de la stabilité, le cours de l’histoire subit aujourd’hui des changements notables qu’il faille prendre en compte. Ce qui se passe actuellement au Sénégal – avec un président octogénaire qui veut briguer un troisième, semble détonner par rapport à marche actuelle de l’histoire. Mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, la fin des pouvoirs qui se veulent « éternels » est connue.
           
            Somme toute, le procès et la condamnation à deux ans avec sursis de l’ancien président  français Jacques Chirac, plus de 20 ans après les faits, après avoir bénéficié de l’immunité pendant ses deux mandats présidentiels,  sonne comme un avertissement solennel à tous les hommes au pouvoir que la reddition des comptes est à envisager à tout moment.    
                                                       P. Eric Oloudé  OKPEITCHA 

mercredi 14 décembre 2011

UN "PRINTEMPS" RUSSE ?

                                                        Manifestants russes. Photo par STAFF/Reuters
/Photo prise le 5 décembre 2011/REUTERS/Anton Golubev

            Les ondes du printemps arabes semblent se propager vers la Russie de Poutine. C’est du moins ce qui ressort de la gigantesque manifestation anti-Poutine le lundi 5 décembre 2011 dans plusieurs villes de la Russie. Depuis les années de Boris Eltsine, on n’avait plus vu pareilles mobilisations en Russie. Seulement 30.000 selon la police et plus de 100.000 selon les organisateurs. Normale et habituelle guerre des chiffres en pareilles circonstances ! mais au-delà des chiffres, le fait suscite réflexions.

           Que se passe-t-il en Russie ? A entendre les manifestants, ils réclament l’annulation pure et simple des élections législatives jugées truquées en faveur du parti au pouvoir (Russie Unie) qui n’a pas toutefois manqué de perdre 77 sièges au Parlement. Sur leur plateforme de revendications 4 autres points figurent, à savoir la libération des détenus politiques dont Mikhail Khodorkovskij, l’ex-patron du Yukos, la démission du chef de la commission électorale centrale, l’enregistrement de tous les partis politiques et la démocratisation des lois régissant la vie politique et enfin l’organisation de nouvelles élections législatives. Ces revendications sont assorties d’un ultimatum de 15 jours. Faute de quoi de nouvelles manifestations déjà prévues le 24 décembres signeront la mise en route de la « révolution blanche » (couleur portée par les manifestants.) Qu’a pu faire Poutine, héros de la Nation, qui a remis la Russie sur les rails par des réformes économiques fort appréciées pour devenir objet de tant de slogans hostiles ? qu’est-ce qui explique cette fissure dans un pouvoir aussi fort ?

            A notre avis, il s’agit avant tout de l’effet contagieux du vent de liberté qui souffle actuellement sur le monde. La chute des régimes forts du monde arabe, à peine imaginable il y a quelques mois, a été un grand précédent pour tous les peuples menés par des régimes non démocratiques ou dictatoriaux. Le « pourquoi pas nous ?» est une puissante source de motivation. En effet, après près de 12 ans au pouvoir, Poutine s’apprête à retourner au Kremlin en mars prochain pour 4 ou 8 années encore, puis éventuellement une pause constitutionnelle et ainsi de suite… Or, il s’agit de comprendre que la perspective du« pouvoir éternel » devient de plus en plus insupportable pour les peuples ; le sentiment d’un avenir pré-déterminé par un leader fût-il charismatique ou un clan est devenu, en soi, source de révolte. Même si ces manifestants semblent infimes par rapport à la population globale et que le pouvoir en place les traite d’agents à la solde des Occidentaux, il faut s’abstenir de minimiser aussi vite l’issue desdites manifestations. Tout a commencé aussi simplement et aussi banalement dans le monde arabe. Les résultats sont là aujourd’hui. Affaire à suivre de près….
P. Eric Oloudé OKPEITCHA

samedi 10 décembre 2011

UN SYSTEME ECONOMIQUE SANS COEUR, DES P. A. S. AFRICAINS AUX PLANS D'AUSTERITE EUROPEENS

Source photo:
            Les années 80 ont été très difficiles pour les pays africains. Plusieurs parmi eux, en cessation de paiement des salaires, ont dû recourir aux institutions économiques internationales de Bretton Woods (Banque Mondiale, Fonds Monétaire International…) pour un plan de sauvetage. Et alors, ils ont découvert dans leur chair, le vrai visage du capitalisme à travers les fameux Programmes d’Ajustement Structurels visant à résoudre le double déséquilibre économique et financier. Ces divers programmes imposés aux Etats africains se sont traduits par le changement obligatoire d’option idéologique : les pays d’obédience marxiste léniniste comme le Bénin ont été contraints à renoncer publiquement et officiellement à ladite idéologie; le changement de régime politique : au parti unique devait succéder immédiatement le multipartisme intégral avec des élections libres et le respect des valeurs démocratiques et des libertés; le dégraissage systématique de la fonction publique avec les départs volontaires (des fonctionnaires ont été incités, moyennant un fond d’accompagnement - qu’ils ont mal géré pour la plupart, n’ayant pas été préparés – à quitter la fonction publique) et les départs ciblés entrant dans la politique de réduction drastique du nombre des fonctionnaires; le blocage des recrutements des agents permanents de l’Etat pour plusieurs années; la privatisation des sociétés d’Etat passées aux mains des capitaux étrangers dans la plupart des cas.
            Les conséquences sociales de toutes ces mesures ont été désastreuses : des vies brisées, des morts par manques de moyens ou par désespoir, le vieillissement progressif des fonctionnaires sans relève. Il faut dire que 20 ans plus tard, toutes les blessures ouvertes ne sont pas encore cicatrisées. Et à cette époque on s’illusionnait qu’une telle cure ne pouvait concerner que les Etats Africains.
            Mais la crise grecque et surtout la façon dont elle a été gérée, les réformes politiques, économiques et sociales imposées à ce pays nous ont prouvé le contraire. Les lamentations de la rue grecque n’ont pu arrêter les mesures de plus en plus drastiques destinées à rassurer les marchés. En se retrouvant le 8 décembre 2011, les dirigeants européens ont pu saisir la portée de la crise : un tiers d’entre eux, en l’espace de quelques mois, ont été emportés dans les flots furieux de la crise. Sur cette liste des victimes de la crise, on ne peut omettre le premier ministre italien Silvio Berlusconi. La crise, en l’espace de quelques semaines, aura réussi là où l’opposition et les scandales répétés n’ont pu rien faire. Le tandem Sarkozy-Cameron qui a parfaitement fonctionné en Libye jusqu’au « show commun » à la fin des opérations n’a pas résisté à la révision du traité de l’Euro incluant des sanctions  automatiques pour les dérapages budgétaires nationaux. Le Royaume-Uni se retrouve dans un isolement sans appel à cause de son opposition à tout contrôle de Bruxelles sur la City. Par ailleurs, les discours des Etats Européens sur le non-respect des droits de l’homme par la Chine ont cessé à cause d’une éventuelle main secourable que pourrait incarner ce pays. C’est dire combien nous sommes entrés dans un monde dominé par un système économique sans cœur… Quelle est alors la place de l’homme dans un tel monde ?

P. Eric Oloudé OKPEITCHA

vendredi 2 décembre 2011

LAURENT GBAGBO A LA C.P.I, LES DEFIS D’UNE VRAIE JUSTICE

APhoto de http://www.iljournal.it/2010/ultimatum-per-gbagbo-lasci-o-sara-guerra/200700
Le mardi 29 décembre 2011, l'ex-président ivoirien Laurent Gbagbo a été transféré à la Haye pour répondre des crimes contre l'humanité (meurtres, viols et violences sexuelles, persécutions) retenus contre lui. D'un côté, les autorités actuelles de ce pays en voie de reconstruction assurent avoir respecté toute la procédure légale prévue en la circonstance. Les partisans de l'ex-chef d’État avancent plutôt l’idée d’un “hold-up politico-judiciaire” et suspendent, en représailles, toute participation au mouvement de réconciliation nationale à peine initié dans le pays. Ce développement de la situation ivoirienne était attendu et suscite quelques réflexions.

On pourrait se demander pourquoi cette docilité des nouvelles autorités du pays à la “communauté internationale” quand l'on sait par exemple, que la Libye, a refusé et obtenu la non-extradition de Saïf-Islam, le fils de Kadhafi contre qui, pourtant, pèse un mandat d’arrêt international émis par le même tribunal. La réponse selon laquelle, le nouveau pouvoir ivoirien doit beaucoup à la communauté internationale n'est pas suffisante quand l'on sait que les nouvelles autorités libyennes ont “coûté” plus à ladite communauté internationale. Pour certains, l'approche des élections législatives prévues pour ce mois en Côte d’Ivoire, explique, en partie, l'extradition dans la mesure où la présence de l'ancien chef de l’État sur le sol ivoirien constitue un véritable problème politique pour les nouvelles autorités. Ne l'oublions pas, aux yeux d'une partie de la population, il incarne la “résistance” aux pouvoirs occidentaux. Pour d'autres, cette extradition conforte l'impartialité prônée par le nouveau pouvoir dans le traitement des violences post-électorales en Côte d'Ivoire. En ce sens, la Cour Pénale Internationale de la Haye paraît une instance neutre, un “arbitre impartial” capable d'évaluer la responsabilité des uns et des autres. D'autres plus subtiles font état d'une manœuvre destinée à devancer une éventuelle décision de la cour de justice de la CEDEAO qui prendrait comme précédent, le cas de TANDJA l'ex-président du Niger, pour demander la libération de Gbagbo en attendant son procès pour les crimes économiques pour lequel son pays voudrait le juger.
             Quel que soit le point de vue adopté ou l'angle d'analyse retenu, il importe, à notre avis, de reconnaître dans cet acte, l'inauguration de l'ère de la reddition des comptes. Le continent africain a trop souffert de ces amnisties décidées dans le but de préserver la paix sociale, effaçant d'un revers de la main des milliers de crimes de sang, sacrifiant ainsi sur l'autel de la réconciliation et de la paix, la justice qui est un élément non négligeable d’un vrai processus de paix. Cela sonnera comme un avertissement solennel pour les détenteurs du pouvoir politique sur tous les continents.
           
           Deux défis demeurent cependant à relever : que la CPI fasse réellement un travail impartial. Des exactions auraient été commises par les deux camps lors des troubles. Si l'on prend le ou les responsables d'un camp, il ne faudrait pas qu'en face, l'on se contente de quelques « exécutants » ou menus « fretins » à sacrifier tendant à faire croire que lesdites violences sont des incidents isolés perpétrés par quelques brebis galeuses. Qu’on s’en tienne aux vrais responsables. Le deuxième défi de crédibilité est que la CPI ne se contente pas seulement des violences qui ont émaillé le dernier scrutin présidentiel. Cela aurait été trop facile et manquerait de sens historique en participant à la baisse de confiance d’une bonne partie de l’opinion publique aux institutions internationales dites aux soldes de quelques pays qui voudraient s’ériger en gendarmes de la planète. Il faut, dans le souci d'un travail d'exorcisme du mal à sa racine, remonter au début des troubles en 2002, tant il est vrai, qu'une rébellion n'est pas une mince affaire dans un État souverain ayant des institutions et des textes régissant la vie politique. Qui a formé, armé et soutenu financièrement les rebelles d’alors durant leur longue conquête du pouvoir ? Ce travail de profondeur qui ne manquerait pas de gêner quelques intérêts est nécessaire si l’on ne veut pas se contenter d’une justice superficielle qui condamne les vaincus et ménage les vainqueurs comme l’histoire politique contemporaine en recèle.


Relever ces deux défis ferait comprendre aux uns et autres que la violence ne devrait plus être envisagée comme un moyen de conquérir ou de se maintenir au pouvoir. Le pouvoir doit servir la vie et non la détruire.


 P. Eric Oloudé OKPEITCHA