vendredi 2 décembre 2011

LAURENT GBAGBO A LA C.P.I, LES DEFIS D’UNE VRAIE JUSTICE

APhoto de http://www.iljournal.it/2010/ultimatum-per-gbagbo-lasci-o-sara-guerra/200700
Le mardi 29 décembre 2011, l'ex-président ivoirien Laurent Gbagbo a été transféré à la Haye pour répondre des crimes contre l'humanité (meurtres, viols et violences sexuelles, persécutions) retenus contre lui. D'un côté, les autorités actuelles de ce pays en voie de reconstruction assurent avoir respecté toute la procédure légale prévue en la circonstance. Les partisans de l'ex-chef d’État avancent plutôt l’idée d’un “hold-up politico-judiciaire” et suspendent, en représailles, toute participation au mouvement de réconciliation nationale à peine initié dans le pays. Ce développement de la situation ivoirienne était attendu et suscite quelques réflexions.

On pourrait se demander pourquoi cette docilité des nouvelles autorités du pays à la “communauté internationale” quand l'on sait par exemple, que la Libye, a refusé et obtenu la non-extradition de Saïf-Islam, le fils de Kadhafi contre qui, pourtant, pèse un mandat d’arrêt international émis par le même tribunal. La réponse selon laquelle, le nouveau pouvoir ivoirien doit beaucoup à la communauté internationale n'est pas suffisante quand l'on sait que les nouvelles autorités libyennes ont “coûté” plus à ladite communauté internationale. Pour certains, l'approche des élections législatives prévues pour ce mois en Côte d’Ivoire, explique, en partie, l'extradition dans la mesure où la présence de l'ancien chef de l’État sur le sol ivoirien constitue un véritable problème politique pour les nouvelles autorités. Ne l'oublions pas, aux yeux d'une partie de la population, il incarne la “résistance” aux pouvoirs occidentaux. Pour d'autres, cette extradition conforte l'impartialité prônée par le nouveau pouvoir dans le traitement des violences post-électorales en Côte d'Ivoire. En ce sens, la Cour Pénale Internationale de la Haye paraît une instance neutre, un “arbitre impartial” capable d'évaluer la responsabilité des uns et des autres. D'autres plus subtiles font état d'une manœuvre destinée à devancer une éventuelle décision de la cour de justice de la CEDEAO qui prendrait comme précédent, le cas de TANDJA l'ex-président du Niger, pour demander la libération de Gbagbo en attendant son procès pour les crimes économiques pour lequel son pays voudrait le juger.
             Quel que soit le point de vue adopté ou l'angle d'analyse retenu, il importe, à notre avis, de reconnaître dans cet acte, l'inauguration de l'ère de la reddition des comptes. Le continent africain a trop souffert de ces amnisties décidées dans le but de préserver la paix sociale, effaçant d'un revers de la main des milliers de crimes de sang, sacrifiant ainsi sur l'autel de la réconciliation et de la paix, la justice qui est un élément non négligeable d’un vrai processus de paix. Cela sonnera comme un avertissement solennel pour les détenteurs du pouvoir politique sur tous les continents.
           
           Deux défis demeurent cependant à relever : que la CPI fasse réellement un travail impartial. Des exactions auraient été commises par les deux camps lors des troubles. Si l'on prend le ou les responsables d'un camp, il ne faudrait pas qu'en face, l'on se contente de quelques « exécutants » ou menus « fretins » à sacrifier tendant à faire croire que lesdites violences sont des incidents isolés perpétrés par quelques brebis galeuses. Qu’on s’en tienne aux vrais responsables. Le deuxième défi de crédibilité est que la CPI ne se contente pas seulement des violences qui ont émaillé le dernier scrutin présidentiel. Cela aurait été trop facile et manquerait de sens historique en participant à la baisse de confiance d’une bonne partie de l’opinion publique aux institutions internationales dites aux soldes de quelques pays qui voudraient s’ériger en gendarmes de la planète. Il faut, dans le souci d'un travail d'exorcisme du mal à sa racine, remonter au début des troubles en 2002, tant il est vrai, qu'une rébellion n'est pas une mince affaire dans un État souverain ayant des institutions et des textes régissant la vie politique. Qui a formé, armé et soutenu financièrement les rebelles d’alors durant leur longue conquête du pouvoir ? Ce travail de profondeur qui ne manquerait pas de gêner quelques intérêts est nécessaire si l’on ne veut pas se contenter d’une justice superficielle qui condamne les vaincus et ménage les vainqueurs comme l’histoire politique contemporaine en recèle.


Relever ces deux défis ferait comprendre aux uns et autres que la violence ne devrait plus être envisagée comme un moyen de conquérir ou de se maintenir au pouvoir. Le pouvoir doit servir la vie et non la détruire.


 P. Eric Oloudé OKPEITCHA

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