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Le
mardi 29 décembre 2011, l'ex-président ivoirien Laurent Gbagbo a été transféré à la Haye pour répondre des crimes contre l'humanité (meurtres, viols et
violences sexuelles, persécutions) retenus contre lui. D'un côté, les autorités
actuelles de ce pays en voie de reconstruction assurent avoir respecté toute la
procédure légale prévue en la circonstance. Les partisans de l'ex-chef d’État
avancent plutôt l’idée d’un “hold-up politico-judiciaire” et suspendent, en
représailles, toute participation au mouvement de réconciliation nationale à peine initié dans le pays. Ce développement
de la situation ivoirienne était attendu et suscite quelques réflexions.
On
pourrait se demander pourquoi cette docilité des nouvelles autorités du pays à
la “communauté internationale” quand l'on sait par exemple, que la Libye, a
refusé et obtenu la non-extradition de
Saïf-Islam, le fils de Kadhafi contre qui, pourtant, pèse un mandat
d’arrêt international émis par le même tribunal. La réponse selon laquelle, le
nouveau pouvoir ivoirien doit beaucoup à la communauté internationale n'est pas
suffisante quand l'on sait que les nouvelles autorités libyennes ont “coûté”
plus à ladite communauté internationale. Pour certains, l'approche des élections
législatives prévues pour ce mois en Côte d’Ivoire, explique, en partie,
l'extradition dans la mesure où la présence de l'ancien chef de l’État sur le
sol ivoirien constitue un véritable problème politique pour les nouvelles
autorités. Ne l'oublions pas, aux yeux d'une partie de la population, il incarne
la “résistance” aux pouvoirs occidentaux. Pour d'autres, cette extradition
conforte l'impartialité prônée par le nouveau pouvoir dans le traitement des violences post-électorales
en Côte d'Ivoire. En ce sens, la Cour Pénale Internationale de la Haye
paraît une instance neutre, un
“arbitre impartial” capable d'évaluer la responsabilité des uns et des autres.
D'autres plus subtiles font état d'une manœuvre destinée à devancer une
éventuelle décision de la cour de justice de la CEDEAO qui prendrait comme
précédent, le cas de TANDJA l'ex-président du Niger, pour demander la libération
de Gbagbo en attendant son procès pour les crimes économiques pour lequel son
pays voudrait le juger.
Quel
que soit le point de vue adopté ou l'angle d'analyse retenu, il importe, à notre
avis, de reconnaître dans cet acte, l'inauguration de l'ère de la reddition des
comptes. Le continent africain a trop souffert de ces amnisties décidées dans le
but de préserver la paix sociale, effaçant d'un revers de la main des milliers
de crimes de sang, sacrifiant ainsi sur l'autel de la réconciliation et de la
paix, la justice qui est un élément non négligeable d’un vrai processus de paix.
Cela sonnera comme un avertissement solennel pour les détenteurs du pouvoir
politique sur tous les continents.
Deux
défis demeurent cependant à relever : que la CPI fasse réellement un travail
impartial. Des exactions auraient été commises par les deux camps lors des
troubles. Si l'on prend le ou les responsables d'un camp, il ne faudrait pas
qu'en face, l'on se contente de quelques « exécutants » ou menus « fretins » à
sacrifier tendant à faire croire que lesdites violences sont des incidents
isolés perpétrés par quelques brebis galeuses. Qu’on s’en tienne aux vrais
responsables. Le deuxième défi de
crédibilité est que la CPI ne se contente pas seulement des violences qui ont
émaillé le dernier scrutin présidentiel. Cela aurait été trop facile et
manquerait de sens historique en participant à la baisse de confiance d’une
bonne partie de l’opinion publique aux institutions internationales dites aux
soldes de quelques pays qui voudraient s’ériger en gendarmes de la planète. Il
faut, dans le souci d'un travail d'exorcisme du mal à sa racine, remonter au
début des troubles en 2002, tant il est vrai, qu'une rébellion n'est pas une mince affaire dans un État souverain ayant des
institutions et des textes régissant la vie politique. Qui a formé, armé et
soutenu financièrement les rebelles d’alors durant leur longue conquête du
pouvoir ? Ce travail de profondeur qui ne manquerait pas de gêner quelques
intérêts est nécessaire si l’on ne veut pas se contenter d’une justice
superficielle qui condamne les vaincus et ménage les vainqueurs comme l’histoire
politique contemporaine en recèle.
Relever ces deux défis ferait comprendre aux uns et autres que la violence ne devrait
plus être envisagée comme un moyen de
conquérir ou de se maintenir au pouvoir. Le pouvoir doit servir la vie et non la détruire.
P. Eric Oloudé OKPEITCHA
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