samedi 28 janvier 2012

LES REVOLUTIONS ARABES, UN AN APRES...

Photo: La Presse Canadienne /AP/Muhammed Muheisen. Des milliers d'Égyptiens sont rassemblés place Tahrir.
Source : http://www.radio-canada.ca/nouvelles/International/2012/01/25/002-egypte-revolte-premier-anniversaire-25-janvier.shtml

            L’année 2011 restera marquée dans les annales de l’histoire par les révolutions arabes. Ce à quoi personne n’osait penser s’est produit : des régimes dictatoriaux, sédimentés par plusieurs années de règne sans partage, se sont écroulés les uns après les autres, face à la pression de la rue.  Ben Ali prend la fuite, au bout de 18 jours de pression et de répressions de la rue,  Hosnie Moubarak démissionne ; après plusieurs mois de répressions, de combats violents contre les rebelles appuyés par les troupes de l'OTAN (une première en politique internationale) Kadhafi est  tué dans des conditions qui restent à élucider et qui peut-être, ne le seront jamais.  Un an après, il est peut-être permis de risquer quelques réflexions en termes de bilan provisoire d'un mouvement toujours en cours.
            Si en Tunisie, le samedi 14 janvier dernier a été l’occasion d’une grande fête populaire sur l’avenue Bourguiba, en souvenir de la chute du dictateur Ben Ali, des élections libres et transparentes du 23 octobre dernier, plusieurs interrogations demeurent et des incertitudes se profilent à l’horizon.  Le Figaro  du (14 - 15 janvier 2012, p. 6) rapporte les propos de Azza Turki, journaliste tunisien  à l’hebdomadaire Réalités : « nous avons un gouvernement  légitime mais nous sommes dans le flou total. Et les signaux que nous envoie le nouveau pouvoir ne sont pas rassurants… » Comme on pouvait s’y attendre, la chute des dictateurs n’a pas réglé le problème du chômage qui, rappelons-le, a été l’une des bases de la révolte. Les basses classes et la jeunesse continuent de broyer du noir et ne manquent plus d’exprimer leur impatience. Dans l’un des berceaux de la contestation contre Ben Ali, plus précisément à Kasserine, le président Moncef Marzouki, le président de l’Assemblée constituante Mustapha Ben Jaafar, et le chef du gouvernement l’islamiste Hamadi Jebali ont essuyé les huées de la foule. Ce n’est pas anodin.
           
A cela, il ne faut pas oublier la victoire des islamistes dans la plupart des révolutions arabes. Ces partis contraints à la clandestinité sous les régimes précédents ont pris la voie royale pour accéder au pouvoir. Ils sont finalement les grands gagnants des révolutions arabes.  Etait-ce là la volonté de ces jeunes manifestants qui n’hésitaient pas à sacrifier leurs vies en manifestant contre les dictatures ? Rien n’est moins sûr. La logique du pouvoir démocratique veut que qui gagne les élections gouverne.   Pourquoi s’étonner d’une islamisation rampante de la société, nomination des islamistes dans les  principaux organes de l’Etat, recrudescence du niqab dans les rues, manifestation des salafistes en vue de son introduction dans les universités, une certaine police des mœurs…  Jusqu’où vont tenir cet équilibrisme des gouvernements d’islamistes en alliance avec les modérés et libéraux ? Les incidents mineurs qui ont émaillé la première assise de la nouvelle assemblée égyptienne sont assez éloquents.  

            Une chose nous paraît  sûre, une démocratie à l’Occidentale relèverait  d’un  rêve. En effet, l’Occident a réalisé en quelques décennies cette expulsion du religieux de l’espace public pour y introniser la raison. Le religieux est relégué totalement dans l’espace privé, et une vigilance, sous le nom de laïcisme,  est montée pour éviter son interférence ou son retour dans le débat public. Et c’est avec ses lunettes que l’Occident lit et interprète  l’histoire des autres peuples.  Les pays arabes tout comme les pays  africains du Sud-Sahara sont loin de réaliser cette séparation qui vire à l’antagonisme entre le religieux et le politique.  En se jetant aux côtés de la rue arabe contre les dictatures qui leur devaient en partie leur longévité, les pays occidentaux rêvaient de voir s’établir des démocraties comme les leurs. D’où les appréhensions actuelles face à l’évolution de la situation des ces pays où se croisent désormais plusieurs visions de la liberté et plusieurs lectures de la place de la religion dans le débat public. Des dictatures sont tombées, mais il faut craindre que d’autres, fondées sur Dieu, ne s’érigent à leur place. D’autres révolutions pourraient suivre sans avoir les mêmes résultats que les premières.
P. Eric Oloudé OKPEITCHA 

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