mardi 27 décembre 2011

LA CONDAMNATION A DEUX ANS AVEC SURSIS DE JACQUES CHIRAC, UN AVERTISSEMENT SOLENNEL


Jacques Chirac, le 5 novembre 2010. AFP/PATRICK KOVARIK

            Plus de 20 ans après les faits qui remontent d’ailleurs à l’époque où il était maire de Paris, Jacques Chirac  a été condamné à deux ans de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Paris, le 15 décembre 2011, à la suite un procès fort médiatisé, tenu du 5 au 23 septembre.  On reproche à l’ancien Chef de l’Etat français le  "détournement de fonds publics", l’"abus de confiance" et la "prise illégale d'intérêt", pour une vingtaine d'emplois, sur les vingt-huit  objet d’examen par la cour. Ce dernier a choisi de ne pas faire appel bien qu’il condamne catégoriquement le jugement en s’en remettant simplement aux  parisiens et parisiennes qui l’ont porté trois fois à la tête de leur ville, aux français et françaises qui lui ont confié les rennes de l’Etat pour deux mandats successifs.

            Au-delà de l’aspect émotionnel que suscite le fait de voir un ancien Chef de l’Etat devant la justice, en d’autres termes, réduit à la plus simple expression commune d’humain et de citoyen – on revoit encore Saddam Hussein devant ses juges, Hosni Moubarak porté au tribunal dans un brancard, Laurent Gbagbo répondant aux questions des juges de la CPI -  ces événements poussent à la réflexion sur la nature du pouvoir dans le contexte démocratique et de façon générale, dans le contexte de notre époque. L’obligation de rendre compte devient une exigence étendue à tous les nouveaux. Le pouvoir monarchique couvrait d’immunité le monarque qui l’exerçait à vie et mourait avec les secrets  et les abus de son règne. Le pouvoir dictatorial  est  actuellement en passe de disparaître – à quelques exceptions près -  acculé par  la revendication des peuples à vivre libres, à choisir leurs dirigeants et à pouvoir se prononcer sur la manière dont ils sont dirigés. Ce qui transforme radicalement le pouvoir public en un exercice ponctuel sous haute surveillance, avec un taux d’impunité garanti très bas. Il n’y a donc normalement plus de place pour les médiocres invités à changer de métier tant il est vrai, qu’avec les moyens de communication actuels, il est possible de remonter le fil du temps pour réexaminer tel ou tel aspect de la vie des gouvernants.
           
            Ces mutations du pouvoir doivent être saisies par la jeunesse africaine. Si le pouvoir en Afrique a été pendant longtemps le fait des rois puissants disposant de la vie et de la mort de leurs sujets en toute impunité – même si certains, parmi eux, ont fini  tragiquement -, puis celui des présidents battant le record de la longévité au nom de la stabilité, le cours de l’histoire subit aujourd’hui des changements notables qu’il faille prendre en compte. Ce qui se passe actuellement au Sénégal – avec un président octogénaire qui veut briguer un troisième, semble détonner par rapport à marche actuelle de l’histoire. Mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, la fin des pouvoirs qui se veulent « éternels » est connue.
           
            Somme toute, le procès et la condamnation à deux ans avec sursis de l’ancien président  français Jacques Chirac, plus de 20 ans après les faits, après avoir bénéficié de l’immunité pendant ses deux mandats présidentiels,  sonne comme un avertissement solennel à tous les hommes au pouvoir que la reddition des comptes est à envisager à tout moment.    
                                                       P. Eric Oloudé  OKPEITCHA 

mercredi 14 décembre 2011

UN "PRINTEMPS" RUSSE ?

                                                        Manifestants russes. Photo par STAFF/Reuters
/Photo prise le 5 décembre 2011/REUTERS/Anton Golubev

            Les ondes du printemps arabes semblent se propager vers la Russie de Poutine. C’est du moins ce qui ressort de la gigantesque manifestation anti-Poutine le lundi 5 décembre 2011 dans plusieurs villes de la Russie. Depuis les années de Boris Eltsine, on n’avait plus vu pareilles mobilisations en Russie. Seulement 30.000 selon la police et plus de 100.000 selon les organisateurs. Normale et habituelle guerre des chiffres en pareilles circonstances ! mais au-delà des chiffres, le fait suscite réflexions.

           Que se passe-t-il en Russie ? A entendre les manifestants, ils réclament l’annulation pure et simple des élections législatives jugées truquées en faveur du parti au pouvoir (Russie Unie) qui n’a pas toutefois manqué de perdre 77 sièges au Parlement. Sur leur plateforme de revendications 4 autres points figurent, à savoir la libération des détenus politiques dont Mikhail Khodorkovskij, l’ex-patron du Yukos, la démission du chef de la commission électorale centrale, l’enregistrement de tous les partis politiques et la démocratisation des lois régissant la vie politique et enfin l’organisation de nouvelles élections législatives. Ces revendications sont assorties d’un ultimatum de 15 jours. Faute de quoi de nouvelles manifestations déjà prévues le 24 décembres signeront la mise en route de la « révolution blanche » (couleur portée par les manifestants.) Qu’a pu faire Poutine, héros de la Nation, qui a remis la Russie sur les rails par des réformes économiques fort appréciées pour devenir objet de tant de slogans hostiles ? qu’est-ce qui explique cette fissure dans un pouvoir aussi fort ?

            A notre avis, il s’agit avant tout de l’effet contagieux du vent de liberté qui souffle actuellement sur le monde. La chute des régimes forts du monde arabe, à peine imaginable il y a quelques mois, a été un grand précédent pour tous les peuples menés par des régimes non démocratiques ou dictatoriaux. Le « pourquoi pas nous ?» est une puissante source de motivation. En effet, après près de 12 ans au pouvoir, Poutine s’apprête à retourner au Kremlin en mars prochain pour 4 ou 8 années encore, puis éventuellement une pause constitutionnelle et ainsi de suite… Or, il s’agit de comprendre que la perspective du« pouvoir éternel » devient de plus en plus insupportable pour les peuples ; le sentiment d’un avenir pré-déterminé par un leader fût-il charismatique ou un clan est devenu, en soi, source de révolte. Même si ces manifestants semblent infimes par rapport à la population globale et que le pouvoir en place les traite d’agents à la solde des Occidentaux, il faut s’abstenir de minimiser aussi vite l’issue desdites manifestations. Tout a commencé aussi simplement et aussi banalement dans le monde arabe. Les résultats sont là aujourd’hui. Affaire à suivre de près….
P. Eric Oloudé OKPEITCHA

samedi 10 décembre 2011

UN SYSTEME ECONOMIQUE SANS COEUR, DES P. A. S. AFRICAINS AUX PLANS D'AUSTERITE EUROPEENS

Source photo:
            Les années 80 ont été très difficiles pour les pays africains. Plusieurs parmi eux, en cessation de paiement des salaires, ont dû recourir aux institutions économiques internationales de Bretton Woods (Banque Mondiale, Fonds Monétaire International…) pour un plan de sauvetage. Et alors, ils ont découvert dans leur chair, le vrai visage du capitalisme à travers les fameux Programmes d’Ajustement Structurels visant à résoudre le double déséquilibre économique et financier. Ces divers programmes imposés aux Etats africains se sont traduits par le changement obligatoire d’option idéologique : les pays d’obédience marxiste léniniste comme le Bénin ont été contraints à renoncer publiquement et officiellement à ladite idéologie; le changement de régime politique : au parti unique devait succéder immédiatement le multipartisme intégral avec des élections libres et le respect des valeurs démocratiques et des libertés; le dégraissage systématique de la fonction publique avec les départs volontaires (des fonctionnaires ont été incités, moyennant un fond d’accompagnement - qu’ils ont mal géré pour la plupart, n’ayant pas été préparés – à quitter la fonction publique) et les départs ciblés entrant dans la politique de réduction drastique du nombre des fonctionnaires; le blocage des recrutements des agents permanents de l’Etat pour plusieurs années; la privatisation des sociétés d’Etat passées aux mains des capitaux étrangers dans la plupart des cas.
            Les conséquences sociales de toutes ces mesures ont été désastreuses : des vies brisées, des morts par manques de moyens ou par désespoir, le vieillissement progressif des fonctionnaires sans relève. Il faut dire que 20 ans plus tard, toutes les blessures ouvertes ne sont pas encore cicatrisées. Et à cette époque on s’illusionnait qu’une telle cure ne pouvait concerner que les Etats Africains.
            Mais la crise grecque et surtout la façon dont elle a été gérée, les réformes politiques, économiques et sociales imposées à ce pays nous ont prouvé le contraire. Les lamentations de la rue grecque n’ont pu arrêter les mesures de plus en plus drastiques destinées à rassurer les marchés. En se retrouvant le 8 décembre 2011, les dirigeants européens ont pu saisir la portée de la crise : un tiers d’entre eux, en l’espace de quelques mois, ont été emportés dans les flots furieux de la crise. Sur cette liste des victimes de la crise, on ne peut omettre le premier ministre italien Silvio Berlusconi. La crise, en l’espace de quelques semaines, aura réussi là où l’opposition et les scandales répétés n’ont pu rien faire. Le tandem Sarkozy-Cameron qui a parfaitement fonctionné en Libye jusqu’au « show commun » à la fin des opérations n’a pas résisté à la révision du traité de l’Euro incluant des sanctions  automatiques pour les dérapages budgétaires nationaux. Le Royaume-Uni se retrouve dans un isolement sans appel à cause de son opposition à tout contrôle de Bruxelles sur la City. Par ailleurs, les discours des Etats Européens sur le non-respect des droits de l’homme par la Chine ont cessé à cause d’une éventuelle main secourable que pourrait incarner ce pays. C’est dire combien nous sommes entrés dans un monde dominé par un système économique sans cœur… Quelle est alors la place de l’homme dans un tel monde ?

P. Eric Oloudé OKPEITCHA

vendredi 2 décembre 2011

LAURENT GBAGBO A LA C.P.I, LES DEFIS D’UNE VRAIE JUSTICE

APhoto de http://www.iljournal.it/2010/ultimatum-per-gbagbo-lasci-o-sara-guerra/200700
Le mardi 29 décembre 2011, l'ex-président ivoirien Laurent Gbagbo a été transféré à la Haye pour répondre des crimes contre l'humanité (meurtres, viols et violences sexuelles, persécutions) retenus contre lui. D'un côté, les autorités actuelles de ce pays en voie de reconstruction assurent avoir respecté toute la procédure légale prévue en la circonstance. Les partisans de l'ex-chef d’État avancent plutôt l’idée d’un “hold-up politico-judiciaire” et suspendent, en représailles, toute participation au mouvement de réconciliation nationale à peine initié dans le pays. Ce développement de la situation ivoirienne était attendu et suscite quelques réflexions.

On pourrait se demander pourquoi cette docilité des nouvelles autorités du pays à la “communauté internationale” quand l'on sait par exemple, que la Libye, a refusé et obtenu la non-extradition de Saïf-Islam, le fils de Kadhafi contre qui, pourtant, pèse un mandat d’arrêt international émis par le même tribunal. La réponse selon laquelle, le nouveau pouvoir ivoirien doit beaucoup à la communauté internationale n'est pas suffisante quand l'on sait que les nouvelles autorités libyennes ont “coûté” plus à ladite communauté internationale. Pour certains, l'approche des élections législatives prévues pour ce mois en Côte d’Ivoire, explique, en partie, l'extradition dans la mesure où la présence de l'ancien chef de l’État sur le sol ivoirien constitue un véritable problème politique pour les nouvelles autorités. Ne l'oublions pas, aux yeux d'une partie de la population, il incarne la “résistance” aux pouvoirs occidentaux. Pour d'autres, cette extradition conforte l'impartialité prônée par le nouveau pouvoir dans le traitement des violences post-électorales en Côte d'Ivoire. En ce sens, la Cour Pénale Internationale de la Haye paraît une instance neutre, un “arbitre impartial” capable d'évaluer la responsabilité des uns et des autres. D'autres plus subtiles font état d'une manœuvre destinée à devancer une éventuelle décision de la cour de justice de la CEDEAO qui prendrait comme précédent, le cas de TANDJA l'ex-président du Niger, pour demander la libération de Gbagbo en attendant son procès pour les crimes économiques pour lequel son pays voudrait le juger.
             Quel que soit le point de vue adopté ou l'angle d'analyse retenu, il importe, à notre avis, de reconnaître dans cet acte, l'inauguration de l'ère de la reddition des comptes. Le continent africain a trop souffert de ces amnisties décidées dans le but de préserver la paix sociale, effaçant d'un revers de la main des milliers de crimes de sang, sacrifiant ainsi sur l'autel de la réconciliation et de la paix, la justice qui est un élément non négligeable d’un vrai processus de paix. Cela sonnera comme un avertissement solennel pour les détenteurs du pouvoir politique sur tous les continents.
           
           Deux défis demeurent cependant à relever : que la CPI fasse réellement un travail impartial. Des exactions auraient été commises par les deux camps lors des troubles. Si l'on prend le ou les responsables d'un camp, il ne faudrait pas qu'en face, l'on se contente de quelques « exécutants » ou menus « fretins » à sacrifier tendant à faire croire que lesdites violences sont des incidents isolés perpétrés par quelques brebis galeuses. Qu’on s’en tienne aux vrais responsables. Le deuxième défi de crédibilité est que la CPI ne se contente pas seulement des violences qui ont émaillé le dernier scrutin présidentiel. Cela aurait été trop facile et manquerait de sens historique en participant à la baisse de confiance d’une bonne partie de l’opinion publique aux institutions internationales dites aux soldes de quelques pays qui voudraient s’ériger en gendarmes de la planète. Il faut, dans le souci d'un travail d'exorcisme du mal à sa racine, remonter au début des troubles en 2002, tant il est vrai, qu'une rébellion n'est pas une mince affaire dans un État souverain ayant des institutions et des textes régissant la vie politique. Qui a formé, armé et soutenu financièrement les rebelles d’alors durant leur longue conquête du pouvoir ? Ce travail de profondeur qui ne manquerait pas de gêner quelques intérêts est nécessaire si l’on ne veut pas se contenter d’une justice superficielle qui condamne les vaincus et ménage les vainqueurs comme l’histoire politique contemporaine en recèle.


Relever ces deux défis ferait comprendre aux uns et autres que la violence ne devrait plus être envisagée comme un moyen de conquérir ou de se maintenir au pouvoir. Le pouvoir doit servir la vie et non la détruire.


 P. Eric Oloudé OKPEITCHA

mercredi 30 novembre 2011

BENOIT XVI : UNE VISION EMINEMMENT POSITIVE DE L’AFRIQUE



Le Pape Benoît XVI recevant un présent des enfants d'Afrique. Cotonou, le 19/11/11. Paorical Photo.

 

            Entre autres éléments, le récent voyage du Pape en Afrique, précisément au Bénin du 18 au 20 novembre, aura mis en relief, la vision nettement positive de Benoît XVI sur l’Afrique. L’Afrique « boîte de Pandore » pour les uns, « sanctuaire de tous les maux » pour d’autres, a été qualifiée par le Pape de « poumon spirituel pour une humanité qui semble en crise de foi et d’espérance » et de « réserve de vitalité » sur lesquels peuvent compter l’Eglise et l’humanité. A travers les dix discours prononcés sur le sol béninois, mais aussi dans l’interview accordée aux journalistes sur le vol qui le menait à Cotonou, Benoît XVI a proclamé haut et fort sa confiance et son estime pour le continent africain.
            Ces deux expressions, pour ma part, sont essentielles d’abord pour les africains eux-mêmes, portés à leur insu, à l’auto-flagellation, à la résignation, au pessimisme par la vision que ne cesse de leur projeter les médias. En effet, à force de ne voir de soi que des images négatives, on finit par perdre l’horizon du bien et du beau dont on est pourtant porteur. Le drame de l’immigration sauvage est là, devant nos yeux impuissants, pour témoigner à quel point une bonne partie des forces vives de l’Afrique, ne pense qu’à l’Europe, comme l’unique possibilité de vie et de survie. On pourrait se livrer à tous les dangers du désert et de la mer, pour qu’on parvienne aux portes de « l’Eldorado » l’Europe. Or, les problèmes actuels et futurs de l’Europe, conseilleraient autre chose. L’Afrique, en se prenant au sérieux, en faisant face aux problèmes qui la minent et que le Pape a si bien mis en relief dans l’Exhortation Apostolique Post-synodale Africae Munus, offrira à l’humanité, non seulement ses ressources minières mais aussi humaines et spirituelles.

           Ensuite, ces deux « expressions » pourraient aussi interpeller l’opinion publique européenne assez ignorante de l’Afrique, dans son ensemble. Certains y voient simplement un pays laminé par les guerres, les calamités et les épidémies, la destination de leurs œuvres de charité pour lesquelles il convient de les saluer. Mais l’Afrique est plus cela. Elle est riche de sa pauvreté qui lui donne l’élan de recevoir et non la nausée de la surabondance ; elle est riche de son respect du sacré, de son sens de la vie et de la famille, de sa foi en Dieu et dans un au-delà de la vie qui tranche nettement avec un positivisme desséchant. L’Afrique est riche de son espérance au cœur des difficultés, de sa jeunesse fraîche et nombreuse qui ne demande qu’à être bien formée et orientée pour déployer toutes ses potentialités.

Les titres du dernier chapitre et de la conclusion, respectivement « Lève-toi, prends ton grabat et marche ! » (Jn 5,8) et « aie confiance ! Lève-toi, il t’appelle ! » (Mc 10,49) sont assez suggestifs pour nous dire ce que l’humanité attend de l’Afrique.

Père Eric Oloudé OKPEITCHA

lundi 7 novembre 2011

SOMMET DU G20 DE CANNES, LES SIGNAUX FORTS....



          Du 3 au 4 novembre 2011,  s’est tenu au palais des festivals et des congrès de Cannes, le sixième sommet du G20. Il s’agirait là du plus grand sommet international jamais organisé par la France. Le président Sarkozy, président en exercice du G20 a reçu 25 chefs d’Etat et de gouvernement des pays qui pèsent 85% de l'économie mondiale ainsi que les représentants de 7 organisations internationales. A seulement quelques mois des élections présidentielles, le président français n’a pas manqué de cueillir cette opportunité pour célébrer le couronnement de son action sur le plan international. La crise de la dette pour la zone euro et celle de la Grèce en particulier, ont porté leurs ondes de trouble jusqu’à la veille de l’ouverture du G20 avec le coup de tonnerre provoqué par la décision unilatérale du premier ministre grec de soumettre au referendum l’accord du 27 octobre sur le plan d’aide à son pays. Comme l’a souligné le président Obama à la fin du sommet, le Président Français a fait montre d’un « leadership impressionnant » avec le chancelier allemand dans la gestion de la crise de la zone euro. Comme d’habitude, les discussions n’ont pas manqué, chaque participant représentant des intérêts particuliers. Au-delà des longues résolutions aux lendemains incertains, ce sommet envoie des signaux forts sur l’état du monde.
            Le premier point est le lien désormais plus fort entre l’économie et la politique. La crise grecque finira par emporter dans ses flots furieux le premier ministre Papandreou. L’Italie, troisième économie de la zone euro, ressent au plus fort, les secousses provoquées par les incertitudes et la fragilité de son gouvernement. Nul doute que ce qui est arrivé à Papandréou en Grèce dopera l’énergie de l’opposition italienne, qui depuis des mois, réclame le départ du cavalière. Les problèmes économiques ne sont pas étrangers à l’essoufflement de l’immense espoir suscité par l’élection de Barack Obama.

             Le second point est le déclin du leadership américain. Le président Obama est venu à ce sommet affaibli plus que jamais. Les Etats-Unis n’ont pas, en poche, la solution des problèmes du vieux Continent. Ils ne peuvent que conseiller et soutenir moralement. L’unilatéralisme américain semble désormais hors de mode, plombé par de sérieux problèmes économiques. Quant à la zone euro, elle est plus que jamais en difficulté, engluée dans un système économique et financier tiraillé par le désir contradictoire de l’intégration et de la conservation des souverainetés nationales. Barack a plusieurs fois souligné la difficulté de maintenir une monnaie commune avec des politiques budgétaires et fiscales aussi divergentes. Toutefois, les américains et les européens conservent la préséance militaire.

Nicolas Sarkozy et Barack Obama, lors de leur interview télévisée post-G20 le 4 novembre 2011, à Cannes. AP/SIPA

Le troisième point réside dans l’amitié et la convergence de vue affichées par Barack Obama et Nicolas Sarkozy à la fin du sommet. Honneur aux soldats ayant combattu en Libye, interview conjointe au journal télévisé… La parade des deux présidents en difficultés avec leur opinion publique et dont on connaît les divergences sur le plan économique et politique a quelle finalité ? on se rappelle encore le vote français en faveur de l’entrée de la Palestine dans l’Unesco malgré l’opposition des Etats-Unis. Quel est le but de cette opération de charme ? sinon se soutenir mutuellement dans la tourmente ? Par ailleurs, pouvait-on célébrer le succès des efforts en Libye sachant que les dégâts matériels importants, les victimes innocentes des bombardements de l’Otan et l’épilogue assez flou de cette guerre sont là pour montrer que l’opération n’était pas aussi propre. A moins que le succès réside uniquement dans le fait que l’Otan n’a perdu aucun soldat ? A-t-on vraiment évalué sur le court et le long termes les opérations menées en Libye ? ou ne voit-on que la chute d’un dictateur devenu gênant ? Mesure-t-on les conséquences des armes larguées sur des populations (une première), des dépôts de missiles pillés et disparus sans compter l’arsenal de guerre de Kadhafi  volatilisé sans que personne ne puisse dire avec certitude dans quelles mains toutes ses armes vont atterrir ? S’est-on vraiment assuré des intentions et des projets des nouvelles autorités à qui on a vite fait conscience ? N’a-t-on pas posé les jalons d’une instabilité durable pour une zone située aux portes de l’Europe ? Déjà les résultats des élections tunisiennes font grincer des dents à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
La Chine et les pays émergents sont désormais appelés à prendre le relai de l’Occident en perte de vitesse en consommant une partie de sa dette. Les plans de rigueur votés ici et là signent la preuve qu’un mode de vie et un monde sont en train de disparaître… Même si le directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), Pascal Lamy, se veut rassurant « Les Chinois se comporteront en investisseurs», en Europe. «Ils ont investi énormément dans les bonds du Trésor américain pour autant que je sache les Etats-Unis ne sont pas devenus des vassaux de la Chine», la suprématie économique a toujours précédé celle politique. 

P. Eric Oloudé OKPEITCHA    

jeudi 3 novembre 2011

REFERENDUM GREC, UNE LIMITE DE LA DEMOCRATIE

Photo de LEXPRESS.fr, publié le 30/09/2011
          
Après un sommet laborieux qui a finalement accouché tard dans la nuit d’un vote à l’unanimité sur le plan d’aide à la Grèce  assorti  d’un programme d’austérité pour les autres pays  de l’Euro  menacés par la crise comme l’Italie, l’Espagne et le  Portugal, tout semblait fin prêt  pour le G20 qui commence ce jeudi  3 novembre à Cannes. Mais coup de théâtre, le premier ministre grec Papandreou annonce, contre toute attente, la tenue d’un referendum sur ledit plan d’aide comportant des mesures d’austérité. Tonnerre dans le ciel européen, les capitales locomotives de l’Euro, Paris et Berlin réagissent  consternées, les bourses déjà suffisamment agitées, replongent. La Grèce, dépassée par les vagues de protestations en cours et en vue, semble avoir pris de coup ses partenaires.  Cette décision est-elle salutaire pour la Grèce et pour l’Euro ? Faire parler ou décider le peuple est un principe certes démocratique, mais ne sommes-nous pas là en face des limites de le démocratie elle-même comme système ?

C’est vrai que la ou mieux les crises  successives de ces dernières années ont déjà prouvé les limites du système économique occidental basé sur la croissance. Le referendum grec nous donne l’opportunité de nous interroger sur les limites de la démocratie elle-même, basée sur le gouvernement du peuple par le peuple. Le premier ministre grec, quoique l’on dise, aura obéi à ce principe en voulant prendre l’avis du peuple sur son avenir  immédiat et à long terme. Seulement que le referendum dans un tel contexte met à mal toute la zone euro, car un « non » grec pourrait provoquer la faillite du pays due au non versement des 8 milliards d’euro correspondant à la prochaine tranche,  pourrait  entamer  la crédibilité de toute la zone et la contagion n’est pas à craindre pour les autres maillons faibles de la chaîne.

Face à tels enjeux, est-il opportun de donner la parole au peuple quand l’on sait que le  peuple, en temps difficile,  c’est-à-dire quand manquent le pain et  la paix, devient « foule »  entité sociale dominée par l’instinct  et ne voit que l’immédiat. Un peuple affamé, contraint  par les événements  à  changer de style de vie  ne saurait faire de la « métaphysique »  ni réfléchir à long terme. C’est dire donc le premier  ministre grec a pris de grands risques face à l’avenir et à l’histoire. Nul doute que le « non » l’emportera en cas de referendum libre et un grand pas  aurait été fait en direction de la catastrophe économique. Même  en déplaçant la question du referendum vers « l’appartenance ou non à la zone euro », la réponse du peuple en difficulté ne se concentrera que sur le présent. Ce qui représente une catastrophe pour le futur. On ne peut pas faire de la démocratie à propos de tout. La crise actuelle ne peut être gérée  à coup de referendum.

Père Eric Oloudé OKPEITCHA

lundi 24 octobre 2011

KADHAFI EST MORT, LE MONDE TOURNE LA PAGE DES DICTATURES


http://wartacamel.com/2011/07/05/khadafi-bersedia-serahkan-kekuasaan-dengan-imbalan-jaminan-keamanan/
           Le jeudi 20 octobre 2011, dans sa ville natale de Syrte où il s’était réfugié depuis quelques semaines, le colonel Kadhafi a été finalement retrouvé mort après avoir été capturé vivant dans un collecteur d’eau selon les vidéos diffusées par la presse. Son fils Motassem a subi le même sort que lui dans des circonstances restées floues. Il ne faut pas attendre beaucoup des enquêtes demandées par l’Onu qui pourraient embarrasser les forces militaires des nouvelles autorités du pays. Peu avant dans la matinée, le convoi dans lequel il tentait de s’échapper a été repéré par les avions de l’Otan, et « stoppé »pour reprendre les mots du ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé.


Au-delà de l’émotion suscitée par l’événement et les images choc qui ont été reprises en boucle par les médias étrangers, on pourrait se poser des questions sur les circonstances de la mort du colonel Kadhafi. L’Otan, dont les opérations militaires ont été déterminées par la résolution 1973, avait pour mission d’instaurer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye pour protéger les populations civiles. Mais depuis quelques semaines, elle a pris une part active dans le conflit, bombardant systématiquement les positions de l’ancien chef d’Etat et facilitant les opérations au sol des forces militaires des nouvelles autorités du pays. Tous les observateurs de la politique internationale s’accordent pour reconnaître qu’on se trouve devant un cas de figure inédit du droit international. « Stopper » un convoi au sol, et Dieu seul sait ce que recouvre ce mot utilisé par un diplomate, relevait-il de la mission de l’Otan ? Moscou qui avait voté l’abstention, n’a cessé de crier à qui veut l’entendre que l’ampleur des opérations sortait largement du cadre des résolutions de l’Onu. La réaction du chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov ne s’est pas faite attendre après la mort du colonel : « "Il n'y a aucun rapport entre la zone d'exclusion aérienne et une attaque contre un objectif au sol, en l'occurrence le convoi" de Mouammar Kadhafi … D'autant qu'il ne pouvait être question de protéger des civils, vu que ce convoi n'attaquait personne, on peut même dire qu'il était en fuite". Il est possible qu’un jour, tous les non-dits de ce conflit dont l’épilogue a eu lieu la semaine dernière, soient révélés au grand jour.


Quant au traitement du corps du colonel - qui en 42 ans de pouvoir, rappelons-le, n’a pas été un enfant de chœur encore moins un ange, il laisse beaucoup à désirer. Là encore, la pornographie de la violence qui est une caractéristique des médias, a beaucoup joué. On se rappelle celui de Oussama Ben Laden, on se souvient des images de la pendaison de Saddam Hussein… Qu’inscrivent ces images dans l’imaginaire collectif ? Décourager l’option pour la dictature ou le terrorisme en montrant le triste sort de ceux qui l’ont opérée ? normalement oui, mais rien n’est moins sûr à cause du mécanisme de fonctionnement de la violence prise en soi comme phénomène social. Les Libyens, dit-on, avaient peut-être tout sauf la liberté, l’étroite collaboration et la bénédiction des puissances occidentales. Espérons qu’aujourd’hui et surtout demain, ils ne manqueront de rien avec la libération, l’affluence des conseillers occidentaux dans les couloirs des salles de décisions, la bousculade des hommes d’affaires occidentaux dans les hôtels… Kadhafi en refusant la fuite comme Ben Ali de la Tunisie, l’humiliation comme Moubarak de l’Egypte, a préféré s’accrocher au pouvoir jusqu’au bout s’inscrivant dans la triste galerie des fins tragiques de dictateurs : Benito Mussolini et sa compagne en Italie, Samuel Do au Libéria, Nicolae Ceaușescu et son épouse en Roumanie, pour la petite histoire. Une chose est sûre, de même qu’elle a tourné la page des monarchies à quelques exceptions près, l’humanité est en train de tourner celle des dictatures.

P. Eric Oloudé OKPEITCHA



mardi 18 octobre 2011

A ROME, LA MANIFESTATION DES "INDIGNES" DEGENERE EN VIOLENCES



http://www.repubblica.it/politica/2011/10/15/dirette/indignati_proteste_in_tutto_il_mondo_roma_blindata_attese_200mila_persone-23265312/

        
           Le mouvement quasi mondial des « indignés » contre le« système » financier actuel de notre planète a pris un ton et un goût amers à Rome ce samedi 15 octobre 2011. Un groupe de violents cagoulés (black bloc) a très tôt infiltré le cortège, cassant, brûlant et affrontant la police. Le bilan est lourd, 70 blessés dont des policiers, une fourgonnette des policiers brûlés et au moins 12 arrestations. Le Rubicon a été franchi quand aux environs de 16h a été attaquée une église San Marcellino et Pietro, cassant une croix et portant en « trophée »une statue de Notre Dame de Lourdes, brisée peu après au milieu de la voie. Et ceci, à quelques pas de la Basilique du Latran, la cathédrale du Pape. L’onde de choc de ces événements n’a pas manqué de susciter une vague de protestations depuis le Président de la République jusqu’aux partis politiques toutes tendances confondues, les associations catholiques et tout naturellement le Saint-Siège. Mais au-delà de tout cela, le fait mérite réflexions.

Comment ce vandalisme qui n’a rien à voir avec le mouvement civique et réfléchi des indignés qui, à travers le monde entier, ont manifesté pacifiquement et dignement leur ras-le-bol face à un système financier devenant infernal et étouffant, a pu échapper aux forces de sécurité d’un pays aussi policier ? on se rappelle le 14 décembre dernier, la dégénération d’une manifestation des élèves et étudiants en affrontements, créant d’énormes pertes à la ville et à des particuliers. A ce moment-là, tout le monde avait jugé la violence inacceptable. Et puis après ? Qu’a-t-on pu faire depuis ce temps pour que la même scène se répète, provoquant les mêmes refrains de condamnation ?

 Mais à y voir de près, le malaise est profond ici en Europe, surtout au niveau de la jeune génération. On se rappelle les tristes événements de Londres durant l’été dernier qui ont reçu, une réponse prompte et musclée du gouvernement du premier Ministre David Cameron. En voyant en flamme la fourgonnette des policiers, la Statue de la Vierge brisée au milieu de la voie, il faut reconnaître qu’on est monté de plusieurs crans. S’attaquer à l’Etat et à la Religion, c’est le signe d’un désespoir profond désormais sans frontière ni horizon. En effet, l’Etat et la Religion sont des composantes indéniables de la civilisation par rapport au« chaos initial ». C’est le drame des sociétés européennes qui ont tout misé sur la croissance économique mettant en veilleuse les autres aspects de la vie. Le résultat est là, effrayant. Vers quel horizon se dirige-t-on ? vers des lendemains sombres si le malaise n’est pas pensé et la plaie pansée en profondeur, c’est-à-dire à partir des piliers de la société que sont la Famille, l’Education civique et l’Eglise qui ont assuré les heures de gloire de l’Occident.
Père Eric Oloudé OKPEITCHA